Quand on parle de Best-seller, on pense la plupart du temps au dernier roman à succès. Dans ce podcast, je vous présente un immense succès éditorial français. mais c’est au rayon des livres de cuisine qu’il faut le chercher! On le trouve presque partout, dans les librairies comme au rayon livres des supermarchés. A côté d’ouvrages magnifiquement illustrés, il semble plutôt modeste. Il s’agit du “ Je sais cuisiner” de Ginette Mathiot. Sachez que ce livre, qui ne paye pas de mine1, est l'un des plus grands succès du livre de cuisine en France. Il a connu pas moins de 53 éditions. En voici l'histoire.
UN DESTIN CONTRARIÉ
L'autrice, Ginette Mathiot, est née à Paris,dans une famille protestante, en 1907. Bonne élève, la petite Geneviève (Ginette est un nom d'auteur) aimerait faire des études de médecine. Mais ses parents considèrent que cette profession ne convient pas aux femmes. Ils choisissent pour elle l'École normale supérieure des Arts ménagers de Paris2, l'une de ces écoles destinées aux filles, qui les préparent à leurs destins d'épouses et de mères de famille. Geneviève, quant à elle, restera toute sa vie célibataire, malgré de nombreuses demandes en mariage. La raison: ses parents étaient formellement opposés à toute union avec un non protestant. Ce n’est cependant pas de gaieté de coeur3 que la jeune femme renonce au bonheur familial : elle confiera un jour que bien des recettes qu’elle a rédigées furent copieusement arrosées de ses larmes de déception!
“JE SAIS CUISINER”
Le destin de Geneviève semble donc écrit : celui d’une femme ordinaire, cantonnée4 à une carrière féminine sans éclat. Et c'est tout à fait par hasard que Geneviève devient autrice. Albin Michel, le célèbre éditeur en personne, souhaite publier un livre de cuisine qui intègre les découvertes d’une discipline encore mal connue : la diététique. Il traverse la rue et pousse la porte du collège de jeune fille, en face de la maison d’édition. Là, il confie la rédaction du livre à une jeune enseignante, Hélène Delage. Mais Hélène ne se sent pas de taille5 à mener à bien6, seule, ce travail de titan7 et elle fait alors appel à Geneviève, son amie rencontrée sur les bancs de l'École ménagère. Geneviève relève le défi8 et se met au travail - c’est principalement elle qui élabore les 2000 recettes, toutes testées au sein de l’établissement où elle enseigne, contenues dans l’ouvrage de 650 pages. L’idée: rendre la cuisine accessible à tous les publics, de la préparation quotidienne des repas aux plats de fête, plus sophistiqués.
“Je sais cuisiner” sort le 1er août 1932. L’ouvrage se vend à 7 millions d’exemplaires et est traduit en de nombreuses langues, y compris en japonais!
Et devinez quoi? Mal conseillée, une fois de plus, par ses parents qui ne croyaient pas à la réussite commerciale d’un simple traité de cuisine et de diététique, Geneviève a renoncé aux droits d’auteur et profite peu de cet incroyable succès de librairie!
UNE CARRIÈRE D'AUTRICE
Cependant, encouragée par cette belle réussite, Geneviève ne s'arrête pas là. Elle va écrire ensuite plus de 30 ouvrages, tous des succès. Il existe même un Ginette Mathiot pour la cuisine “du camping, du caravaning et du yachting”. A la fin de sa vie, Geneviève, qui est restée professeure et est même devenue inspectrice des écoles ménagères, reçoit la prestigieuse Légion d’honneur9.
Bien entendu, au fil du temps8, “ Je sais cuisiner” est adapté. Les recettes sont plus légères. Dans les premières éditions, on cuisine le cochon d'Inde! On y a renoncé depuis. Le Ginette Mathiot conserve cependant toute son utilité! Les recettes sont fiables, elles ont toutes été testées, il y en pour tous les goûts et pour tous les budgets! Et surtout, elles sont faciles à faire! C’est pourquoi, aujourd’hui comme hier, “Je sais cuisiner” trouve encore sa place sur les étagères des cuisines françaises.