LA CLASSE OUVRIÈRE DÉCOUVRE LE TEMPS LIBRE
Au mois de mai 1936, des grèves sans précédent1 éclatent en France.
Pour la première fois les ouvriers occupent les usines sous les yeux médusés2 de leur patron. Le mouvement se propage chez les commerçants, les garçons de café, les coiffeurs, les agriculteurs. Et ils sont bientôt deux millions de grévistes à descendre dans la rue. Dans une ambiance de gigantesque fête populaire, des bals sont organisées dans les usines tandis que des parties de cartes s'improvisent au son de l'accordéon. Surnommés « les grévistes de la joie » ils fêtent la victoire du Front populaire, une coalition de partis de gauche aux élections législatives3.
Le contexte
En octobre 1929 la Bourse de New York s'effondre. Une grave crise économique touche les États-Unis avant de se propager en Europe. Les démocraties, jugées impuissantes, sont remises en cause et des régimes autoritaires se développent. La menace d'une nouvelle guerre mondiale surgit.
En1931 la France est frappée à son tour. Le pouvoir d'achat diminue drastiquement. Une vague massive de chômage s'abat sur le pays. Des centaines de milliers de personnes se retrouvent sans emploi et sans indemnisation. La classe ouvrière est particulièrement touchée et son niveau de vie ne cesse de chuter. Les gouvernements se succèdent mais la crise persiste. Alors la montée du fascisme atteint l'Hexagone (c'est à dire La France) : les mouvements d'extrême droite prennent de l'ampleur. Ils veulent en finir avec ce régime parlementaire instable et restaurer un pouvoir fort.
L'affaire Stavisky
L'affaire Stavisky met bientôt le feu aux poudres4 et provoque une crise politique qui va changer le cours de l'histoire. Le 9 janvier 1934, Serge Alexandre Stavisky, un escroc richissime5, recherché pour détournement de fonds6, est retrouvé mort à Chamonix. L'opinion publique ne croit pas à la thèse du suicide. Des hommes politiques de premier rang, complices, l'auraient assassiné pour le faire taire. Le 6 février, les ligues d'extrême droite s'emparent de l'affaire et organisent une grande manifestation à quelques pas 7de l'Assemblée nationale pour dénoncer la décadence de la Troisième République. Le rassemblement, très violent, tourne à8 l'émeute, (insurrection) faisant de nombreuses victimes dans les jours qui suivent.
Les partis de gauche dénoncent une tentative de coup d'État fasciste et organisent des contre-manifestations. Le 12 février 1934, militants communistes et socialistes se rejoignent dans un même cortège, malgré les différents politiques qui les opposent. La gauche jusqu'alors désunie, se rassemble pour faire front. Le socialiste Léon Blum, le communiste Maurice Thorez et le radical Edouard Daladier forment d'une alliance électorale en vue des élections législatives de mai 1936. Ensemble, ils veulent transformer la société. Leur slogan « pain, paix, liberté » : le Front populaire est né. Le 3 mai, l'unité a payé9. le Front populaire remporte les élections. Un immense espoir de changement gagne les classes populaires.
Léon-Blum sera le premier socialiste à la tête d'un gouvernement10 en France mais son investiture n'est prévue que dans un mois. Alors, des grèves spontanées éclatent jusqu'à ce que soient signés les accords de Matignon.
Le 7 juin 1936 au lendemain de son investiture, Léon Blum réunit patronat et syndicats pour négocier les réformes sociales tant attendues. Le 8 juin, à 1h du matin, les accords de Matignon sont signés : les avancées sont considérables. Les salaires augmentent, la semaine de travail passe de 48 heures à 40 heures, le droit syndical est reconnu, les premiers congés payés11 font leur apparition. C'est bientôt le temps des premiers départs en vacances et de l'insouciance d'une classe qui découvre le temps libre et la plage.
Mais l'euphorie est de courte durée12. La croissance se fait attendre et le chômage reprend de plus belle13. Moins d'un an après les accords de Matignon, le Front populaire vacille14. Léon Blum se résigne à faire une pause dans les réformes. Le 21 juin 1937, il est contraint de démissionner. En avril 1938 alors que le spectre de la Seconde Guerre mondiale plane sur l'Europe, Edouard Daladier forme un gouvernement avec la Droite. Le Front populaire échoue mais les progrès sociaux perdurent15.
1 Sans précédent : inconnues jusqu'alors, inédites
2 Médusés : paralysés par une très grande surprise, stupéfaits.
3 Les élections législatives : élections où l'on choisit les députés qui forment ensuite l'Assemblée nationale
4 Met le feu aux poudres : accroît une situation de tension.
5 Richissime : très riche
6 Détourner des fonds : un détournement de fonds est un délit, une escroquerie ; Quelqu'un qui détourne des fonds se paye avec de l'argent qui ne lui est pas destiné. Un homme politique qui prend de l'argent public pour régler des frais privés fait un « détournement de fonds publics ».
7 À quelques pas : tout près de l'Assemblée nationale
8 Tourne à : se change en
9 L'unité a payé: l'unité a réussi. Quelque chose a payé= quelque chose a réussi
10 Léon Blum devient président du Conseil. Dans le régime parlementaire de la troisième République, il est l'homme fort de l’État.
11 Les congés payés : les vacances payées comme le temps de travail.
12 De courte durée : qui ne dure pas longtemps
13 De plus belle : très fortement
14 Vacille : ici, perd sa force
15 Les progrès sociaux perdurent : il reste les progrès sociaux. Ce dernier point demande cependant à être nuancé : beaucoup des droits acquis seront supprimés ou simplement non appliqués.
Bravo pour ce travail et merci pour le travail.
Merci pour ces jolis vidéos et ton travail de commentaire.