LA PRESSE FRANÇAISE : LIBRE EN DROIT MAIS DÉPENDANTE FINANCIÈREMENT
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En France, la liberté de la presse est garantie par la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789. Mais qu'en est-il1 de son indépendance ? La réponse est plus complexe. Des listes établies par Le Monde Diplomatique2 montrent que la quasi3 totalité des titres4 de la presse française est aux mains de grands industriels.
Bernard Arnault, l'homme le plus riche de France et propriétaire par le biais5 du groupe LVMH, des Échos, de Radio classique et du Parisien ou Patrick Drahi le propriétaire du géant des télécommunications Altice est actionnaire de Libération, L'express et BFM TV. Arnaud Lagardère est actionnaire de Europe 1, RFM, le Journal du dimanche, Paris Match. Martin Bouygues, dirigeant du géant des BTP6 est propriétaire de TF1, LCI, TMC. Xavier Niel, patron de Free et le banquier Matthieu Pigasse détiennent, via la holding « Le monde libre », Le Monde, Télérama, Courrier international ainsi que l'Obs tandis que Matthieu Pigasse contrôle Les Inrocks et Radio Nova. Il y a évidemment quelques exceptions à cette règle : Le Canard enchaîné, Fakir7, Médiapart, Les Jours et quelques autres encore ne dépendent pas des moyens financiers des grands industriels.
Mais globalement la presse n'est pas indépendante financièrement et ça pose parfois des problèmes. Le Parisien, propriété de Bernard Arnault, a censuré en 2015 la couverture de la sortie du film « Merci patron8» qui critiquait les méthodes du patron de LVMH. Le groupe de Vincent Bolloré a imposé en 2015 la déprogrammation d'un documentaire de Spécial Investigation sur sa chaîne Canal+ car celui ci mettait en cause le Crédit Mutuel9 dont le patron est un de ses proches dans une affaire d'évasion fiscale.
Cette ingérence10 des investisseurs dans le fonctionnement des médias, même si elle est extrêmement rare, pose problème et ce n'est pas tout : face à la baisse vertigineuse11 des ventes, la publicité est devenue une source de revenus incontournable et donc une autre manière de faire pression sur les médias : exemple en 2012, les différentes sociétés du groupe LVMH ont fait savoir qu'elles retiraient leurs opérations publicitaires prévues d'ici la fin de l'année de Libération. La raison : la parution en couverture du quotidien du patron de LVMH Bernard Arnault accompagné du titre « casse-toi, riche con12». Manque à gagner13 direct pour Libération : cent cinquante mille euros. Alors la presse est-elle condamnée à être dépendante des financeurs ?
C'est oublier qu'il existe des contre-pouvoirs au sein des médias. La clause de conscience permet à un journaliste de quitter une rédaction s'il y a un changement de ligne éditoriale. Au sein des rédactions, des associations de journalistes appelées « Société des journalistes » ont pour mission de faire respecter l'indépendance journalistique et ne se privent pas de critiquer publiquement les décisions de leurs actionnaires.
Un dernier exemple : les médias sont subventionnées par l'argent public. Mais cela ne les a jamais empêchés de sortir des affaires d'État14 comme sur les financements des campagnes électorales
Vocabulaire:
1 Qu'en est-il de ... ? Dans ces conditions, la presse peut-elle rester indépendante ?
2 Le Monde diplomatique est un mensuel, dont la ligne est plutôt à gauche. Journal respecté, particulièrement bien informé sur les grands enjeux internationaux, souvent contesté en raison de sa ligne idéologique, il est l'un des journaux français les plus vendus à l'étranger.
3 La quasi totalité :presque la totalité
4 Les titres: ici, l'expression « les titres » ne fait pas référence à des titres d'articles mais aux différents journaux.Les titres de la presse : ex : libération, Ouest-France, Le Monde, etc...
5 Par le biais de: par l'intermédiaire de, au moyen de
6 BTP : secteur du Bâtiment et des Travaux Publics. L'ensemble des entreprises de construction.
7 Fakir : journal provincial, publié à Amiens, dirigé par le journaliste aujourd'hui député de la France insoumise François Ruffin.
8 « Merci patron » : Film de François Ruffin mettant en cause les pratiques du groupe de luxe Bernard Arnault, à travers l'histoire d'une famille d'ouvriers licenciés.Le film a reçu le César (l'équivalent français des Oscars »du meilleur film documentaire.
9 Le crédit mutuel : une banque française
10 Une ingérence : une intervention qui nuit à la neutralité
11 Une baisse vertigineuse : une baisse rapide et importante qui donne le vertige.
12 « Casse-toi, riche con » : se casser signifie, en argot, partir. Le titre faisait allusion à une anecdote survenue au début du mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy. Au salon de l'agriculture, un visiteur avait refusé de lui serrer la main. N. Sarkozy (qui ne savait pas qu'il était filmé), lui avait alors répondu mais casse-toi, pauvre con !» .
13 Un manque à gagner : une perte de gain, des revenus en moins.
14 Une affaire d'état : une affaire qui met en cause des élus ou de hauts fonctionnaires qui dirigent la conduite de l’État.